Stoïcisme : pourquoi et comment manifester ? Conseils pratiques

Manifestation stoïcisme

« Manifester avec Stoïcisme » : l’expression peut paraître contradictoire. La manifestation est souvent associée à l’action passionnée et à la lutte pour le changement, alors que le Stoïcisme est plutôt associé à la maîtrise de soi et à la tranquillité intérieure. Pourtant, nous avons à tout à gagner à recourir aux principes stoïciens lors d’une manifestation. Pourquoi et comment ? Réponse dans cet article.

Stoïcisme et manifestation : est-ce compatible ?

Le Stoïcisme est parfois compris comme une philosophie de l’inaction et de la résignation. Rien n’est plus faux. « Le sage participera à la vie politique si rien ne l’en empêche », dit Chrysippe. Le Stoïcisme est une philosophie de vie altruiste : il considère qu’agir dans l’intérêt des autres est le meilleur moyen d’agir dans son intérêt propre. « Ai-je fait cet acte dans l’intérêt commun ? Alors j’en tire profit », soutient Marc Aurèle (Pensées, XI, 4).

C’est pour cela que l’histoire regorge d’exemples de stoïciens engagés politiquement :

  • Caton d’Utique qui défend la République romaine contre les ambitions de César ;
  • Sphairos qui conseille le roi Cléomène de Sparte et permet d’importantes réformes ;
  • Marc Aurèle qui gouverne en philosophe sur l’Empire romain.

Il n’y a donc rien de contradictoire à participer à une manifestation en voulant appliquer les principes du Stoïcisme. Au contraire ! L’engagement politique est encouragé.

Pourquoi manifester ? La réponse du Stoïcisme

La finalité secondaire : le changement

Si vous voulez manifester, c’est sûrement parce que vous estimez que la cause à défendre est juste et qu’elle apportera un bien au plus grand nombre. Vous manifestez probablement pour obtenir un changement extérieur. Par exemple : manifester contre une réforme des retraites, c’est désirer que la réforme change ou qu’elle soit reportée voire retirée.

Pour le Stoïcisme, une telle finalité est en réalité secondaire. Pourquoi ? Car cette finalité ne dépend pas complètement de nous. Une manifestation peut contribuer à l’annulation d’une réforme injuste. Elle peut aussi être sans effet. D’autres facteurs sont en jeu. Si j’ai pour finalité un changement extérieur, je choisis donc une finalité que je ne contrôle pas complètement. J’ai un désir qui peut me frustrer et ainsi me troubler.

La finalité première : le bien

Pour préserver sa force morale et son enthousiasme, il faut mieux avoir pour finalité première quelque chose qui dépend complètement de soi. Le manifestant stoïcien se concentre ainsi sur l’effort, qui dépend de lui, plutôt que le résultat de l’effort, qui ne dépend pas de lui. Dans une manifestation, cela se traduit par :

  • finalité première : bien manifester ;
  • finalité secondaire : obtenir les changements souhaités via la manifestation.

Avoir pour finalité l’effort plutôt que le résultat de l’effort permet d’atteindre à chaque instant son objectif.

Pour distinguer finalité première et secondaire, les stoïciens utilisent l’image de l’archer :

  • finalité première : viser juste ;
  • finalité secondaire : atteindre le centre de la cible.

Viser juste dépend complètement de nous. Une fois la flèche tirée, atteindre le centre de la cible ne dépend plus de nous.

« Atteindre la cible est une chose que l’on peut souhaiter, mais ce n’est pas une chose méritant d’être recherchée pour elle-même. » Cicéron, Traité des fins, Chapitre 3, 22

FINALITÉ PREMIÈREFINALITÉ SECONDAIRE
NATUREEFFORTRÉSULTAT
DÉPEND COMPLÈTEMENT DE MOI
Distinction entre finalité première et secondaire

Comment manifester avec Stoïcisme ?

Désirer ce qui dépend de soi et accepter ce qui n’en dépend pas

Le manifestant stoïcien dispose donc son esprit pour que la manifestation lui soit bénéfique, quoi qu’il arrive. Son objectif premier est l’effort de bien manifester. Son bonheur réside dans le fait de se mettre au service des autres et de lui-même en s’engageant politiquement et avec cohérence.

Il souhaite obtenir gain de cause par la manifestation mais il n’en fait pas son objectif principal. Il se réjouira s’il y a un résultat. Il restera le même s’il n’y a pas de résultat. Le résultat de la manifestation n’aura aucun effet sur son caractère, sa capacité de résilience, sa capacité de joie. Il s’engage tout de même avec force et conviction car il a conscience de son devoir et de la finalité première.

Pour toutes ces raisons, le manifestant stoïcien ne se sent ni frustré, ni impuissant. Si vous parvenez à atteindre ce subtil équilibre intérieur, vous pourrez faire durer votre engagement politique en limitant l’usure de votre esprit lié à la frustration et au sentiment d’impuissance.

Agir avec la notion du bien

Pour bien manifester, vous devez avoir la notion du bien. Dans le Stoïcisme, ce mot désigne l’excellence de caractère (ou vertu), c’est-à-dire un esprit juste, courageux, modéré et sage. Un tel esprit est serein, heureux. Par extension, le bien collectif désigne une organisation politique juste, courageuse, modérée et sage.

En somme, si vous menez des actions justes, courageuses, modérées et/ou prudentes à l’occasion d’une manifestation, et que vous en avez conscience, vous agissez avec la notion du bien.

Ainsi, « bien manifester » peut signifier :

  • participer à une manifestation que vous jugez utile pour le bien de la société (et pas seulement pour vous-même) ;
  • agir sur ce qui dépend de vous (préparer du matériel de manifestation, s’investir avec enthousiasme, se rendre utile au cortège, etc.)
  • accepter que les événements arrivent comme ils arrivent (bousculades, dispersion par la police, absence de résultat, etc.) ;
  • considérer chaque personne avec bienveillance, comme un frère ou une soeur (les autres manifestants mais aussi les CRS, médias, etc.) — cette approche est celle de la résistance proposée par Mandela ou Gandhi.

La liste n’est pas exhaustive. La philosophie stoïcienne se décline en principes d’actions aussi divers que les profils des stoïciens eux-mêmes. L’essentiel est de garder à l’esprit la finalité de chaque action : la sagesse de l’individu et de l’ensemble. Un État juste ne se construit pas sans des individus eux-mêmes justes.

Une manifestation est un terrain à la fois politique et spirituel. Nous pouvons y découvrir nos forces et nos faiblesses de caractères grâce à la confrontation avec le réel. Nous pouvons rendre la société meilleure en nous rendant nous-même meilleurs, jusqu’à devenir une force au milieu de la tempête.

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