1 an de douche froide : quels sont les bienfaits par-delà la santé du corps ?

Du 1er septembre 2019 au 1er septembre 2020, je me suis efforcé de tourner le plus souvent possible le robinet de la douche vers son extrémité la plus froide. Cet exercice d’inconfort volontaire, que j’avais déjà réalisé pendant un mois en hiver 2018, a eu des effets concrets sur ma santé et, surtout,  mon bien-être.

Dans le cadre de ce défi, une douche froide consiste tout simplement à s’exposer à la température du thermostat la plus basse possible, du début à la fin de la toilette, sous une pression normale/forte. C’est un exercice d’inconfort volontaire recommandé par de nombreux stoïciens. Sénèque, par exemple, avait l’habitude de prendre des bains froids. Il s’inspirait en cela de Platon. Sa pratique s’accompagnait du blâme des plaisirs de l’eau chaude. Dans la Lettre 51 (6) à Lucilius, il dit ainsi :

« Nos premiers ennemis à vaincre, ce sont les plaisirs, qui ont titré à eux, tu le constates, même des génies farouches. Que l’on se représente toute l’étendue de la tâche où l’on est engagé, et la conviction s’établira qu’il ne faut rien accorder à la sensualité, à la mollesse. Qu’ai-je à faire de vos cuves d’eau chaude, de ces bains sudorifiques où s’enclot un air sec et brûlant, bon à épuiser le corps ? Que le labeur seul fasse couler nos sueurs »

Quels sont les bienfaits de la douche froide par-delà la santé du corps ?

Pourquoi Sénèque est-il aussi virulent envers les plaisirs de l’eau chaude et aussi accueillant envers l’inconfort de l’eau froide ? C’est que l’exposition au froid a des bienfaits qui lui sont propres. Chez les stoïciens, ces bienfaits sont de première importance parce qu’ils vont dans le sens de notre bien-être intérieur.

Tout d’abord, la douche froide relève de la discipline du désir. Le plaisir n’entre pas directement dans l’équation. Je me souviens encore de l’abnégation nécessaire sous les douches glaciales de Lettonie, pendant mon voyage en février. Il y avait plusieurs degrés de différence avec l’eau de la tuyauterie strasbourgeoise. Pourtant, c’est bien ce choc thermique qui éveillait la vitalité en moi et qui s’articulait autour d’un ensemble de ressentis positifs : l’estime de soi qui survient de l’accord entre les actions et l’engagement pris avec soi-même ; la présence à soi quasi-totale durant l’épreuve ; le sentiment de bien-être durable après la toilette.

La douche froide est en fait une bataille dans laquelle on s’engage avec la détermination d’un guerrier. Dans le froid de l’action, l’âme est au présent, ici et maintenant, en symbiose avec le souffle. Elle ne se perd ni dans les pensées nostalgiques, ni dans les projections fantasmatiques. Après le choc, elle trouve un agréable repos. C’est un plaisir serein et étendu – de la même nature que celui qui survient après un effort physique – qui apparaît en raison de l’effet de contraste entre la pellicule d’eau glacé qui recouvre la peau, la température ambiante de la pièce, la friction de la serviette et la chaleur des textiles que l’on revêt. On se sent vivre dans ce qu’il y a de plus animal et de plus humain à la fois.

À un deuxième niveau, le fait de prendre des douches froides est un véritable exercice spirituel qui permet d’ancrer de bonnes aptitudes. La capacité à résister au (ré)confort de la chaleur et à endurer l’inconfort de l’eau froide peut devenir le moyen par lequel on s’exerce à la maîtrise de soi, aux vertus du courage et de la modération. Elle exige des compétences qui sont ensuite transférables à d’autres aspects, parfois plus graves, de la vie humaine. « Il faudrait, par les dieux, s’exercer dans les petites choses, et, commençant par elles, passer ensuite à de plus grandes », dit Épictète (Entretiens, I, 18). Un maître stoïcien un peu taquin pourrait ironiser : « et comment peux-tu te dire prêt à affronter les obstacles de la vie – la maladie, le deuil, la peur de la mort – si tu ne sais même pas accepter la simple sensation du froid sur ton corps ? »

Quels sont les bienfaits physiologiques de la douche froide ?

La douche froide comporte également tout un volet d’effets positifs sur la santé du corps. Pendant ce défi, je ne suis quasiment pas tombé malade et, la seule fois où cela est arrivé, la maladie n’a pas duré très longtemps. En comparaison des autres années, c’est un record. J’ai également noté que ma peau était moins irritée et mes cheveux moins secs. De plus, le froid prépare aussi bien le réveil que le sommeil. Il réveille et vivifie l’esprit dans un cas ; il puise dans l’énergie de fin de journée et prépare la nuit dans l’autre. Ces remarques ne sont pas uniquement les miennes mais reviennent dans les différents témoignages de celles et ceux qui ont expérimenté la douche froide sur une longue période.

Une habitude difficile à ancrer…

Au-delà des bienfaits, j’ai aussi noté qu’il était difficile de faire de la douche froide une habitude ancrée. Les six premiers mois, je n’avais pas envie de vivre au quotidien un épisode frigorifique, surtout après les journées pluvieuses et verglaçantes. Sans la volonté, c’est la discipline qui me guidait. Avec le retour des beaux jours, l’eau a perdu de son pouvoir glaçant et les douches ont paru plus faciles. Mais cette « habitude » n’a jamais eu pour moi la même facilité et spontanéité que d’autres, comme le sport, la lecture ou le réveil aux aurores.

Aussi, mon corps a tout de même été au contact de l’eau chaude une vingtaine de fois sur les 365 jours de la période. Dans ce cas, plusieurs types de douches chaudes sont à distinguer : 1- Les douches prises dans ma salle de sport ne sont pas réglables et donnent du chaud par défaut (les rares fois où je les ai prises étaient nécessaires ; autrement je rentrais chez moi) ; 2- Les douches prises lorsque j’ai été malade étaient volontairement plus chaudes pour ne pas choquer mon système immunitaire alors qu’il était en lutte ; 3- Les douches contrastées (chaud puis froid) relevaient d’une forme de faiblesse de la volonté mais je ne les considère pas vraiment comme un échec ; 4- Les douches chaudes prises sans aucune contrainte extérieure et qui sont les moins justifiables. Sur la vingtaine de douches chaudes réalisées, il n’y en a donc qu’une minorité qui s’inscrit dans une forme d’acrasie.

… mais aux effets avérés

De façon générale, le fait de suivre une discipline bien pesée et réfléchie a toujours été une source de satisfaction pour moi. En dirigeant mes efforts vers la douche froide, j’ai vaincu chaque jour un automatisme ancré, celui du désir de l’eau chaude. Ce que j’ai perdu de plaisir, je l’ai gagné en sérénité ; car la douche froide procure un sentiment de bien-être différé mais durable là où la douche chaude procure un sentiment de bien-être immédiat mais éphémère. Je ne serais toutefois pas aussi véhément que Sénèque. La douche chaude n’est pas à bannir. Elle a aussi ses vertus. Elle est tout simplement moins utile pour celles et ceux qui souhaitent se mettre à l’épreuve.

C’est un défi que je conseille à tous. Il permet d’explorer ses limites, de donner de la vigueur à l’âme en donnant de la vigueur au corps et de mieux comprendre le plaisir singulier, vivifiant et durable de la douche froide. Je compte conserver cette habitude en y ajoutant un peu plus de flexibilité.

Photo de couverture by Jorge Guillen on Unsplash

5 commentaires sur “1 an de douche froide : quels sont les bienfaits par-delà la santé du corps ?

  1. Un article très intéressant. Je m’étais mis à la douche froide durant près d’un mois, en constatant les mêmes points positifs que vous. J’ai malheureusement abandonné petit à petit cette habitude.

    Je comptais recommencer, et cet article devient ainsi le début d’une nouvelle mise en pratique de cette habitude.

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  2. Je ne sais pas si je pourrais tenir un an, surtout l hiver mais j’avais également écris un article sur les bienfaits de l’eau froide. Je tente de finir au moins ma douche par un jet d’eau froid. J’en ai parlé avec ma fille de 7 ans et elle est fascinée par « Ice man » (Wim Hof) qui a repoussé ses limites. Le souci c’est que le matin je dois bien regarder car des fois elle me fait une farce et met l’eau sur la position la plus froide possible :p

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  3. Je crois que ça a des effets très importants sur la santé psychocorporelle, (j’ai lu qu’un médecin suisse je crois avait fondé une thérapie uniquement avec l’eau froide) j’ai commencé cette pratique en me disant « comment font-ils dans les pays plus démunis ? » bien avant de connaître le stoïcisme, donc maintenant je me rends compte que je faisais de la « visualisation négative » lol. C’est l’argument qui me motive le plus : l’eau chaude est du luxe, et qui plus est mauvaise pour la santé : la peau, les cheveux, la barbe (aussi) et j’imagine les énergies [je me sens plus énergique après une douche froide] en plus. Cependant, c’est une question d’habitude, l’idéal est de retirer l’eau chaude si on vit seul lol. [En +, économies] Mais en pratique c’est difficile : commencer par de l’eau tiède puis de plus en plus frais, J’ai tenu quelques semaines au plus frais : la méditation avant rend cela plus aisé aussi.

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    1. Bonjour,
      Du 8 février 2022 au 7 Février 2023 je n’ai pris que des douches froides (au plus froid possible).
      Cela fait 3 ans que je prends des douches froides mais cela fait un an sans aucune exception (absolument 0 douche tiède ou chaude).
      Point clés:
      – courage, détermination, rigueur et abnégation
      – le principal quand on se lance c’est de gérer sa respiration, dès lors, nous n’avons plus de frisson
      – on passe des paliers, certaines zones du corps sont plus sensibles (torse, crâne…) mais on s’habitue vite et on peut ensuite se laver les cheveux sous l’eau froide
      – dans certains cas l’eau est beaucoup plus froide qu’ailleurs (je vis en région parisienne), à la montagne par exemple mais il faut toujours se challenger et mettre au plus froid
      – 0 maladie depuis 1 an (pourtant ma conjointe a choppé pas mal de virus qu’elle ne m’a pas transmis!!)
      – forme incroyable
      – on se sent en vaillant, fier et plein de vie
      Je recommande à tous mais il faut vraiment être courageux !
      Je vais continuer mais de temps à autre je m’offrirai une douche …tiède 😉

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  4. Merci pour cet article. Par hasard je relisais Epictète ces jours ci sans faire le rapprochement. Je ne prends que des douches froides depuis un mois (pas glacées mais bien fraîches). Je suis étonné que mon corps s’habitue vite, passer les quelques premières secondes cela ne me demande pas un effort incroyable. Le 1er changement notable est intéressant : je n’ai plus froid ! Moi d’habitude frileux supporte parfaitement les températures de l’hiver.

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